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Sur un site historique : visite d'une ferme exemplaire tournée vers l'avenir

Rivières et Bocage Bélon Brigneau Merrien a fait une incursion depuis le bassin versant du Bélon vers sur celui de l’Isole. Nous n’étions pas très loin car la source du Bélon se trouve à 1,5 km au sud de la rivière de Quimerc’h, au lieu dit Loge-Nahennou qui dépendait aussi de l’ancien domaine de Kimerc’h. La lecture du livre de référence de Marie-Claude Colliou-Guermeur (1) nous apprend qu’au 19ème siècle ce domaine était un mème ensemble ou œuvraient sabotiers, charbonniers, meuniers. L’étude de Rémi Toupin (2) consacrée à Quimerc’h décrit Quimerc’h comme un vaste domaine recouvrant les deux bassins et ne comportant pas moins de 19 manoirs ou lieux nobles (exonérés de taxes).

(1) Terres et gens du Bélon – 1789-1920)  (2) document de la visite de 2011 (voir le document intégral ici)

Nous nous sommes donc retrouvés au lieu dit « La Cantine » à l’intersection de l’ancienne voie romaine (Est-Ouest) et de l’ancien chemin de Compostelle (Nord sud) afin de participer à une visite du site. Si nous n’étions pas tout à fait sur le Bélon, nous étions parfaitement dans notre thème : rivières et bocage.
Le groupe a été accueilli et accompagné par Maya et Jos Missard, les propriétaires de la ferme bio de Kimerc’h. Il s’est trouvé renforcé en cours de route par quelques participants croisés le long de la rivière Quimerc’h et qui étaient passés par la ferme de Quimerc’h située plus au sud (la confusion est fréquente).

Le parcours avait été préparé par Annie Le Grevellec (Présidente de RBBBM), Marcel Jambou (ancien élu de Bannalec) et Anicet Furric (agriculteur de Bannalec à la retraite).

Rivière et bocage à Kimerc'h

vue du Cadastre de 1844
Vue aérienne de 1950-1960

Chacun a pu apprécier la configuration : de nombreux talus, arbres, quasiment identique à la situation qui apparaît sur la vue d’avion de 1950 (voir les cartes page …..). Cela montre qu’il est possible d’éviter les simplifications dramatiques de l’espace au nom du rendement à l’hectare. Maya nous expliquera plus tard les raisons et l’intérêt de cette pratique respectueuse de l’environnement.

En longeant l’ancienne route de Compostelle vers le sud (à droite de la vue)puis en traversant les pâturages Anicet Furric l’a bien confirmé :« si tout le bassin était aussi bien préservé les inondations seraient moins fréquentes à Quimperlé 

Les mottes féodales

Première halte au pied de la Motte féodale (en 7 sur sur la vue du cadastre de 1844 ) pour apprécier les dimensions (20 mètres de hauteur et au moins 100 mètres de diamètre) et rappeler qu’elle date du 11ème siècle et a été élevée au nord du site de Kerguillerm antérieur (en 6 sue la vue)

Sur ce même plan on distingue bien les trois sous ensembles : une partie protégée par une enceinte (en rouge) comportant une haute cour (au nord) avec une habitation ronde ‘également en rouge) et une basse cour située au sud. Le tout étant probablement entouré de vergers. L’accès se faisant par le sud. .

L’ascension des 20 mètres a permis de prendre la mesure de la haute cour et de l’emplacement de traces de constructions.

Maya nous a rappelé que la Motte était principalement construite en bois (la cabane actuelle est récente!) ce qui explique, d’après Rémi Toupin qu’elle ait été conservée. Ce ne fut pas le cas pour le château du 13ème siècle construit par la même famille qui a été intégralement démonté au point qu’on ne sache plus localiser l’emplacement (probablement en 8). Les pierres ont servi à construire un 3ème édifice : le château du 19ème situé en bas du terrain le long de la rivière de Quimerc’h, château de forme en T (voir en bas a gauche sur le plan) entouré de vergers et situé au bord du grand étang. Ce château édifié en 1828 a lui-même été détruit en 1975.

La rivière Quimerc’h : affluent de l'Isole

Nous avons emprunté vers le sud la sortie de la Motte qui devait autrefois mener à l’ancien camp de Raquierou (5) et avons rejoint la rivière Quimerch que nous avons traversée sur un pont de bois. Nous l’avons longée sur sa rive droite (ou rive sud) jusqu’à l’ancienne digue du Moulin.

La rivière serpente dans ce lit confortable entre les touffes de Carex typiques des zones humides et accueillantes pour la vie aquatique. et les lorsqu’on passe à la hauteur du camp de Raquierou on distingue sur la gauche de grandes pierres plates dressées.

Le chemin creux bordé de talus de grosses pierres laisse imaginer la circulation des paysans d’autrefois. plusieurs chênes centenaires inspirent le respect.

La disposition des lieux indique clairement que cette zone était inondable et que le niveau de l’eau pouvait être 2 mètres au dessus du lit de la rivière sur plusieurs centaines de mètres de largeur et presque un km de long. La carte d’état major de 1820 (ci-jointe) montre bien l’étendue des pièces d’eau.

Quimerc’h était alors un site essentiel, organisé autour de plans d’eau géré par des digues.

Carte d'état major 1820-1860

La carte Cassini de 1783 positionne la digue et l’ancien moulin et les deux étangs : celui du château à gauche et celui du moulin, plus petite à droite.

La digue que nous avons franchie se trouve à l’emplacement de l’ancien moulin. Sur place on peut voir les passages d’eau à écluse qui témoignent d’une ancienne gestion du niveau de l’eau du bassin du moulin.

Une fois sur la rive gauche (au nord) Anicet nous montre la trace de l’ancien canal d’irrigation des pâtures en aval. Les paysans veillaient à maintenir certaines pâtures humides ce qui leur permettait d’avoir deux récoltes de foin dans l’année.
Nous remontons de ces pâturages effectivement inondés pour retourner vers la ferme de Kimerc’h

La ferme de Kimerc’h : en phase avec les cycles naturels

Maya a présenté la ferme Kimerc’h et a répondu aux nombreuses questions. En voici un résumé :

Nous avons fait le choix de l’espace pour les animaux : 50 vaches laitières sur 100 ha soit 2 ha par animal, cela permet de ne les nourrir qu’avec de l’herbe ou du foin tout en préservant les pâturages avec un système de prairie permanente. Cela confère à la prairie une grande valeur pour la biodiversité

Le bâtiment principal est vaste. Nous y avons installé le solaire il y a 15 ans. La production est encore très bonne, en tout cas plus importante que dans les valeurs annoncées pour la Bretagne. Beaucoup d’équipements sont électriques (notre chariot élévateur pour le foin). Nous utilisons un chargeur/valet de ferme électrique pour nourrir les bêtes et faire d’autre travaux dans le bâtiment.

Ce ratio de 1 vache laitière par 2 hectare  (bien sûr il y a aussi des génisses, veaux et taureaux  à nourrir) peut sembler faible mais il n’est pas un problème car nous avons fait deux autres choix :

  1. valoriser notre production en transformant le lait en fromage que nous commercialisons nous-mêmes. La proportion change suivant la saison mais en moyenne nous transformons environ 75%.

  2. réduire au maximum les intrants : pas d’achat de nourriture, engrais ou pesticides, semences etc. peu de vétérinaire car nos vaches sont en bonne santé, pas d’insémination artificielle car la reproduction est naturelle (nous avons un taureau). Cela s’ajoute une consommation de gazole très basse.

Grâce à des dépenses minimales et à la transformation et vente de notre propre produit, nous disposons d’un revenu raisonnable et pouvons également employer des personnes. Tout cela dans un environnement plus sain pour les humains comme pour les animaux.
 
Nous conservons nos vaches longtemps en les maintenant en bonne santé. Elles donnent des veaux chaque année à un rythme inférieur à ce qui se fait en conventionnel : nos génisses ne donnent leur premier veau qu’à 36 mois (contre 24 en conventionnel). Nous n’avons aucun problème avec leur fertilité (ce qui arrive souvent en conventionnel).

Les veaux sont sevrés de leurs mères après trois jours mais continuent à être allaités naturellement par des vaches qui sont un peu plus âgées et jouent le rôle de nourrice.

Il est vrai qu’elles produisent moins. La production est environ à 15 litres de lait par vache par jour ce qui est loin des 40 litres souvent recherchés. Mais cela ne nous inquiète pas. Nous préférons des animaux en bonne santé.

Contrairement à la majorité des éleveurs, nous produisons beaucoup de foin car nos vaches ne mangent ni céréales, ni croquettes de soja, ni maïs. Cette production de foin est tout à fait possible grâce à notre tracteur  qui permet de travailler rapidement entre deux périodes de pluie ( tous les agriculteurs ont des tracteurs maintenant, souvent beaucoup plus gros et puissants que le notre, tous peuvent faire du foin, nous ne sommes plus au Quimerc’h du moyen-âge ! ) Avec la météo plus précise on s’en sort très bien.

Enfin, le fait de disposer de foin nous permet aussi d’éviter de faire sortir les vaches quand le temps est mauvais. Cela limite le piétinement du terrain qui peut devenir très boueux en hiver et ne se rétablit pas bien en été.  Les maladies sont toujours plus présentes quand c’est humide, que les vaches soient en intérieur ou à l’extérieur.

A écouter Maya on se demande pourquoi acheter un aliment produit ailleurs alors que les vaches mangent naturellement de l’herbe ?

On se dit aussi que l’opposition entre technologie et environnement n’est pas de mise lorsque la technologie est au service d’un travail raisonnable et compétent. Ce n’est pas si fréquent !

Dégustation

Pas de photo de la dégustation de fromage accompagné de l’excellent cidre de Bannalec (André Bernard) et de pain au levain. Mais un excellent souvenir de l’accueil chaleureux et instructif de cette ferme naturelle mais unique sur un site remarquable et riche d’enseignement sur le mode de vie des paysans d’autrefois. Merci à Maya et Jos.

Pour une visite autour du site.

Tout un chacun pourra profiter de cette balade le long de la rivière en partant de la Cantine et en descendant jusqu’en bas sur le bord de la rivière sans traverser la pâture de la ferme. Il vaut mieux ne pas s’y aventurer car deux buffles sympathiques mais impressionnants se promènent souvent par là.